Jasmine Viger-Gravel, Docteure en spectroscopie de résonance magnétique nucléaire
D’origine canadienne, Jasmine Viger-Gravel a traversé l’Atlantique pour se spécialiser dans le domaine de la spectroscopie1 de résonance magnétique nucléaire (vide infra). Cela lui a ainsi permis de multiplier les collaborations scientifiques à travers l’Europe. Aujourd’hui, elle nous présente son parcours et sa passion pour son métier, ainsi que les enjeux majeurs qui sont en lien avec ses travaux de recherche.
Ma curiosité m'a motivée à poursuivre une carrière scientifique et me pousse constamment à dépasser mes limites. Mes parents, tous deux ingénieurs en mécanique, m'ont incité à poursuivre des études en Science, Technologie, Ingénierie et Mathématiques (STIM2) et ma mère a complètement balayé la stigmatisation sociale des femmes en STIM de mon éducation. À partir de là, la passion et l’enthousiasme de mes enseignants ont non seulement fait naître mon intérêt pour la chimie, mais ont également confirmé mon désir de poursuivre des études supérieures en sciences.
Lorsque j’étais étudiante de premier cycle à l'Université d'Ottawa, j'ai rencontré mon directeur de thèse, le Professeur David Bryce. Durant ma dernière année universitaire, David a accepté de me parrainer dans le cadre d’un fellowship3 et m’a ainsi permis de mener un projet de recherche en France dans le groupe de G. Bodenhausen sous la tutelle de Dr. E. Miclet. (Université Pierre et Marie Curie, Paris). Il s’agissait de ma première expérience avec la spectroscopie de résonance magnétique nucléaire (RMN) et également de ma première expérience en France en tant que «chercheuse». C’est là que j’ai découvert le potentiel incroyable de cette technique analytique (la RMN) qui permet la caractérisation de l’échelle atomique dans des systèmes divers allant de la chimie à la médecine. C’est également à ce moment-là que mon amour pour l’Europe s’est confirmé. J’ai ensuite enchainé avec un doctorat à l’université d’Ottawa sous la direction de David afin de me spécialiser en RMN.
En tant que spectroscopiste RMN, on pourrait dire que je suis comme une sorte de photographe. Les méthodes de spectroscopie RMN me permettent de capturer des images d’objets infiniment petits. C’est une méthode idéale pour étudier de nombreux systèmes puisqu’elle est non invasive et quantitative. Elle permet ainsi de décrire et comprendre des structures aux niveaux atomique et électronique. En fait, la RMN est une méthode comparable à l’imagerie de résonance magnétique que l’on retrouve dans les hôpitaux. Dans le cas de la RMN, nous observons des composés biologiques, des ingrédients pharmaceutiques actifs ainsi que des matériaux comme les piles utilisées dans les appareils électriques au lieu de capturer une image des tissus biologiques dans le corps humain. La RMN, grâce à une meilleure compréhension des relations entre structure et activité, permet de développer et concevoir des composés plus efficaces et sélectifs.
Je suis actuellement collaboratrice de recherche dans le groupe du Dr. A. Lesage au Centre de Résonance Magnétique Nucléaire à très hauts champs de Lyon. J’ai auparavant passé trois années en Suisse dans le groupe du Pr. L. Emsley à l’EPFL, Lausanne. Mes deux chefs sont les leaders dans mon domaine de recherche RMN hyperpolarisé. En effet, en 2010 ils ont été les premiers à réaliser des expériences de démonstration sur les surfaces avec cette technique analytique innovante qui est en train de devenir un outil incontournable pour les caractérisations par RMN de systèmes complexes.
Le programme Jeunes Talents France, l’Oréal-Unesco pour les femmes et la science me permet de poursuivre les objectifs scientifiques qui me tiennent à cœur et me motivent en tant que chercheuse. Mon sujet de recherche est très porteur. Pour vous donner un ordre d’idée, il y a aujourd'hui un fort intérêt pour le développement de réactions électrochimiques permettant la conversion de molécules atmosphériques telles que l'eau, le dioxyde de carbone ou bien encore l'azote en produits à forte valeur ajoutée tels que des hydrocarbures ou des alcools. La compréhension de ces réactions pourrait permettre de développer de nouvelles voies de conversion énergétiques et ainsi d’anticiper la fin des combustibles fossiles.
En collaboration avec les chercheurs des Laboratoire de Résonnance Magnétique et de Nanochimie pour l’Energie de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, je vise à introduire de nouveaux concepts analytiques afin de caractériser la structure de matériaux à l'échelle atomique telle que les matériaux nanostructurés. Nous développons des techniques innovantes de RMN hyperpolarisée à l’aide d’un processus émergeant dit de Polarisation Dynamique Nucléaire (DNP). Ces travaux permettront de comprendre le mécanisme de réaction en surface des nanocristaux et d’établir des relations entre structure atomique et activité, pour, à terme, synthétiser les matériaux qui seront utilisés dans des dispositifs de conversion et de stockage d’énergie plus durable.
Chaque jour, je me réveille et j'ai hâte de me rendre au laboratoire. Je me sens très privilégiée parce que mon travail consiste à «jouer» avec des instruments de pointe. J’aime le fait qu’il n’y ait pas un jour identique ; cela varie entre travailler avec des aimants à champ élevé, se placer à un bureau pour traiter les données, envoyer des calculs quantiques, disséminer des travaux aussi bien à l’écrit qu’à l’oral. De plus, ce que j’aime dans mon travail, c’est que nous pouvons faire progresser les connaissances. Étant canadienne d’origine, mes études supérieures m’ont permises de voyager à travers le monde et de découvrir d’autres façons de faire de la recherche tout en créant un réseau international. En fait, en tant que Canadienne ayant travaillé en Europe, j’ai pu voir et continue de constater le pouvoir que les collaborations inter-fonctionnelles ont sur la réussite de grands projets. Elles permettent en effet, en raison de la diversité des compétences et des idées de chacun des membres de l’équipe, de faire émerger des voies de recherches plus originales et prometteuses.
1 - La spectroscopie est l'étude expérimentale des interactions entre la matière et les radiations électromagnétiques.
2 - STIM est une option d’orientation scolaire disponible en Amérique du Nord (entre autres) dans laquelle 4 disciplines sont enseignées : Science, Technologie, Ingénierie et Mathématiques. Ces 4 matières ne sont pas considérées comme des disciplines séparées mais sont enseignées au travers d’une approche interdisciplinaire basée sur des applications du monde réel.
La production de connaissance et sa transmission suivent des règles particulières créées par des humains. Elles sont donc imparfaites, subjectives et sujettes à co-évoluer avec les humains qui les façonnent. Cet article a pour objectif de vous présenter le système de publication scientifique qui représente le médium majeur de transmission de la connaissance entre scientifiques. […]
Quand on parle de sciences, on s’intéresse plus souvent aux résultats qu’à la façon dont on les a obtenus. Les outils qui font le lien entre les hypothèses de départ et la conclusion restent le plus souvent dans l’ombre. Et pourtant, sans ces outils, les modèles, la connaissance scientifique serait impossible à atteindre ! Alors qu’est-ce […]