Sara Gandy, doctorante en Écologie

Sara Gandy est doctorante en écologie et effectue une thèse en Écosse. Elle s’intéresse particulièrement aux tiques et à leurs relations avec des mammifères forestiers. Au cours de son parcours universitaire, elle a multiplié les stages de terrain à l’étranger et a eu la chance de croiser des espèces de mammifères très rares. Dans son témoignage, elle nous livre les origines de sa passion, toujours vibrante, pour l’écologie ainsi que sa constante détermination qui lui a permis d’intégrer le monde de la recherche. 

Je crois que j’ai su que je voulais devenir chercheuse lorsque j’avais 5 ans. Je me souviens avoir regardé un documentaire réalisé par National Geographic sur la réintroduction des loups dans le parc national de Yellowstone aux États Unis un dimanche matin et m’être dit : « un jour, je deviendrai biologiste ». 23 ans plus tard, cette envie est toujours là ! 

Le parcours que j’ai suivi ne fut pas simple et de nombreuses personnes ont essayées de me dissuader avec des « Tu sais qu’être biologiste ça ne payera pas ton loyer hein ? », des « Tu es douée avec les langues, fais plutôt quelque chose dans le tourisme », ou encore des « Si tu aimes les animaux tu devrais devenir vétérinaire ! ». Mais non, je n’ai jamais abandonné. Je sentais tout de même que j’avais besoin d’un filet de sécurité, au cas où les choses ne se passeraient pas comme prévues. Alors j’ai commencé par faire un DUT (Diplôme Universitaire de Technologie) en biologie avec l’option agroalimentaire après mon baccalauréat. Cela ne m’a pas plu du tout. 

À la suite de ces deux années de DUT, j’ai eu la chance de partir en Écosse pour finir ma Licence grâce à un partenariat entre ces deux pays. En feuilletant le catalogue des cours proposés, j’ai découvert le parcours que j’allais suivre : une Licence en zoologie. Cette année fut passionnante. Alors qu’avant je devais me forcer à aller en cours, j’étais désormais la première arrivée le vendredi matin, pour ne rien perdre des cours sur les comportements de migration et les stratégies de reproduction. Cette année en Écosse n’a fait que renforcer ce que je savais, c’était ma vocation. 

De retour en France, j’ai suivi la première année du Master en comportement animal et humain de l’Université de Rennes. Ne trouvant pas cette filière assez appliquée1 pour moi, j’ai décidé de changer de parcours et ai commencé le Master de gestion de l’environnement et conservation de la faune sauvage de l’Université de Reims. 

Au cours de mes années de Master, j’ai eu l’opportunité de faire 3 stages. Pour le premier, en 2013, je suis partie 3 mois dans le Nord de la Russie pour travailler sur le comportement de jeux chez les louveteaux, au milieu de la taïga, sans eau ni électricité. En 2014, je suis cette fois partie dans le Mercantour pour faire un projet consistant à étudier les comportements sociaux des loups en captivité au parc Alpha. Le dernier, qui dura 8 mois et me fit obtenir mon diplôme de Master, m’emmena en Suède. Là-bas, j’ai rejoint une équipe formidable pour réaliser mon stage de recherche sur l’importance de considérer les facteurs environnementaux pour étudier la survie des tiques, ces fameux arthropodes qui transmettent de nombreuses maladies dont la maladie de Lyme. Mon temps fut partagé entre l’apprentissage des analyses statistiques avec le jeu de données que mon superviseur me donna et la participation à de nombreuses activités de terrain pour les projets en cours. En 8 mois, j’appris à collecter des tiques, capturer des chevreuils et les équiper de colliers GPS, traquer leurs mouvements, faire du distance sampling (technique consistant à marcher le long d’un transect linéaire afin de compter les animaux présents), poser des pièges caméra et bien sûr, travailler en équipe.

De retour en France, j’ai terminé mon Master et il était évident que la prochaine étape pour moi était d’obtenir un doctorat. J’ai passé plusieurs mois à chercher jusqu’à ce que l’on me propose de commencer un projet sur la maladie de Lyme 8 mois plus tard. Sachant que les 4 prochaines années de ma vie seraient bien remplies, j’ai profité de ce temps libre pour partir passer un hiver en Macédoine. En effet, des chercheurs travaillant sur la conservation du lynx des Balkans (une sous espèce en danger critique d’extinction) m’ont proposé de venir me former avec eux. Ces 3 mois, je les ai passé à arpenter les montagnes des Balkans pour poser des pièges photos et essayer de capturer des lynx afin de les équiper de colliers GPS. Nous avons réussi, à notre plus grande joie, à en capture un, nommé Deki ! Les données récoltées grâce au collier dont nous l’avions équipé ont permises de mieux comprendre l’écologie de cette espèce élusive2. De retour de Macédoine au printemps, j’ai rapidement refait mes bagages pour repartir en Suède pour la deuxième année consécutive. Cette fois ci j’étais technicienne de terrain sur un projet consistant à capturer des faons et suivre leurs mouvements afin de mieux les comprendre. 

Après toutes ces aventures, il était temps de me poser ! En Septembre 2016, j’ai pris ma voiture et fait la route qui me mena à Glasgow, en Écosse où j’allais commencer ma thèse. Depuis bientôt 4 ans, je combine travail de terrain, analyses en laboratoire et analyses de données afin de comprendre le rôle des mammifères dans le cycle épidémiologique de la maladie de Lyme. Plus simplement, je collecte des tiques et les teste afin de voir si elles sont porteuses de la bactérie responsable de la maladie. En parallèle, je capture des rongeurs et estime le nombre de cerfs dans une trentaine de sites afin de lier le pourcentage de tiques infectées et le nombre d’hôtes. Le but est de pouvoir identifier des zones à risque et de comprendre le rôle des rongeurs et des cervidés dans la transmission de la maladie. 

Ma vision de la recherche a beaucoup évolué en 4 ans. Lorsque j’ai commencé, je pensais, naïvement, que j’allais être amenée à aller sur le terrain, analyser mes données et que grâce à cela j’allais pouvoir répondre facilement à ma question de recherche. La réalité ? J’ai découvert que la recherche, c’est avant tout apprendre à échouer et trouver un plan B. Que faire lorsque le protocole de laboratoire ne fonctionne plus ? Ou quand la météo empêche de collecter les données ? Ma thèse m’a appris à ne pas baisser les bras et à persévérer et au final, même si ma thèse n’est pas ce que j’avais imaginé en commençant, ce n’est pas grave car j’ai appris énormément de choses.

La suite ? Bonne question. En sortant de mon Master, je voulais travailler pour la conservation des espèces et la gestion des conflits hommes/faune sauvage. Ma thèse m’a fait découvrir le monde de l’épidémiologie et cela m’intéresse énormément car j’ai l’impression de pouvoir aider des gens. Par exemple, j’aimerais beaucoup continuer dans la recherche et travailler sur le paludisme, la rage, Ebola ou l’anthrax, qui affectent énormément de personnes en Afrique en en Asie mais c’est difficile de trouver des financements. Géographiquement, je ne suis pas opposée à déménager mais j’ai plus de conditions qu’auparavant ; une ville pas très grande et proche des montagnes. Glasgow et l’Écosse me plaisent énormément alors je suis en train de considérer quitter le monde académique pour travailler dans le département du développement international et faire des analyses statistiques sur des données collectées par d’autres personnes. 

Si je devais donner deux conseils, ce serait ceux-là : premièrement, ne laisse pas d’autres personnes influencer tes choix car je pense qu’il est primordial de faire un métier qui soit aussi une passion et deuxièmement, n’ai pas peur d’abandonner. Le projet sur lequel tu travailles ne te plait absolument pas et tu serais plus heureux à faire autre chose ? Alors fais le car notre temps est trop limité pour le gâcher à faire quelque chose qui nous rend malheureux. 

1 - Des recherches dites « appliquées » sont des recherches menées pour répondre à une question qui nécessite une réponse rapide par la société. Ces résultats sont ensuite utilisés directement par la société pour répondre à une problématique. Ce type de recherche se différencie de la recherche dite « fondamentale » qui consiste à répondre à une question uniquement dans le but d’améliorer le niveau de connaissance générale.

2 - Une espèce élusive est une espèce qui évite avec adresse de se faire voir et qui est donc très compliquée à observer et étudier.

 

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