Le mois dernier, le Parlement Européen a adopté la loi européenne de restauration de la nature. Qualifiée d’historique, cette loi interrompt plus de 30 années d’inaction : la dernière directive pour la protection des écosystèmes remonte à 1992, c’était la directive habitats. De nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer un texte très affaibli et qui ne serait pas à la hauteur des enjeux. Dans cet article, nous présentons les résultats des négociations et mettons en lumière les modifications du texte initial qui ont considérablement assoupli le règlement.

Affaibli mais pas inutile

Les mêmes chiffres, issus du communiqué de presse du parlement européen ont été relayés par les médias. Ainsi, cette mesure phare a fait les titres de la plupart des journaux : les États membres s’engagent à restaurer au moins 30% des zones d’habitat dégradés et donc considérés en mauvaise état écologique d’ici 2030 (en donnant une priorité au zone Natura2000), puis à en avoir restauré 60% d’ici 2040, et enfin 90% d’ici 2050.

Les négociations ont permis des améliorations notables dans le texte, en particulier l’ajout de mesures de restauration des écosystèmes marins qui étaient absents de la version originale. De plus, le renforcement de la sécurité alimentaire et la neutralité en matière de dégradation des sols ont fait leur entrée parmi les objectifs affichés de la loi. Néanmoins, dans l’ensemble, les négociations ont surtout rendu le texte moins ambitieux.

Disparition des objectifs chiffrés pour la nature en ville

La version initiale du texte mentionnait explicitement un objectif de 10% de couvert arboré urbain dans toutes les agglomérations et villes d’ici à 2050. Un objectif bien plus vague l’a remplacé dans le texte voté puisqu’il vise désormais ‘une tendance à l’augmentation du couvert arboré urbain’.

Selon les prévisions, l'urbanisation devrait continuer à s'accélérer (55,3 % de la population mondiale vivait en zone urbaine en 2018) ainsi que l’augmentation des températures en ville en été. L’adaptation de l’environnement urbain aux nouvelles conditions climatiques est donc cruciale et l'augmentation de la couverture végétale est une solution efficace. Le couvert végétal apporte en effet de nombreux bénéfices en zone urbaine : ralentissement du ruissellement des eaux, maintien des températures à un niveau supportable. Il fournit également des habitats refuges pour que d’autres espèces puissent prospérer.

Une vision réductrice des pollinisateurs

Dans le texte adopté, les états membres s’engagent à inverser le déclin des populations de pollinisateurs d’ici à 2030. Cependant, ne sont considérés comme pollinisateurs que les insectes. Si le groupe des pollinisateurs comprend majoritairement des insectes, il inclut également des oiseaux, chauve-souris, primates, marsupiaux, reptiles et des rongeurs. À l’échelle mondiale, 16,5 % des pollinisateurs vertébrés seraient menacés d'extinction avec une tendance à l'augmentation du nombre d'extinctions. Ce chiffre passerait même à 30% pour les espèces insulaires.

Les oiseaux communs ne sont finalement pas une priorité

Deuxième coup dur, pour les oiseaux en particulier. Une modification subtile du phrasé du texte établit que l’on doit désormais viser à (et non plus, faire en sorte que)[1] l’index des oiseaux communs s’améliore.


[1] Cet objectif indique une intention poursuivie par la loi, mais cela ne garantit pas nécessairement que cet objectif sera atteint ou réalisé. Lorsqu'une disposition légale stipule qu'elle doit "faire en sorte que" quelque chose se produise, cela implique une obligation ou une responsabilité de garantir que cet objectif soit atteint.

Restaurer la nature ou faire la guerre ?

De nombreuses additions d’articles et/ou paragraphes introduisent des dérogations et des exceptions, qui permettent de contourner les engagements.

Un exemple parlant est l’article sur la défense nationale qui permet d’exempter des zones utilisées pour des ‘activités répondant uniquement aux besoins de défense nationale’ si les mesures de protection ne sont pas compatibles avec l’utilisation militaire de la zone.

L’article 27 illustre également à merveille l’affaiblissement du texte à coups de dérogations : il permet de suspendre les mesures de protection ‘si un événement imprévisible, exceptionnel et non provoqué, […] a de graves conséquences à l'échelle de l'Union’ sur la capacité à assurer la sécurité alimentaire des États membres.

Doit-on choisir entre préserver le climat ou la biodiversité ?

Enfin, un autre article important porte sur les énergies renouvelables[2]. Cet article établit que la construction de structures de production d'énergie à partir de sources renouvelables ‘relèvent d'un intérêt public majeur’. La mise en place de ces projets serait soumise à des évaluations environnementales moins contraignantes que d’autres projets de construction.

En théorie, faciliter le développement des projets de production d’énergie bas carbone devrait être une absolue priorité dont on devrait se réjouir. Dans les faits, ces mesures sont le résultat de compromis insatisfaisants pour la protection de la biodiversité. Elles servent souvent d'outils de communication pour témoigner du prétendu engagement international dans la réduction des émissions de GES alors que rien n’est concrètement fait pour stopper les entreprises climaticides de continuer d’extraire des énergies fossiles. Une mesure win/win qui fait bonne figure tout en permettant de continuer de détruire des espaces naturels pour des projets immobiliers qui peuvent rapporter gros.


[2] Les énergies renouvelables ne sont pas définies dans le texte mais d’après le site du parlement européen les énergies renouvelables sont l’éolien, le solaire, l’hydroélectrique, la géothermie, la biomasse et les biocombustibles.

Planter des arbres : la solution greenwashing préférée des dirigeants

Absolument absent de la première proposition de loi, cet article intitulé ‘Plantation de trois milliards d’arbres supplémentaires’ a fait son apparition triomphante dans le texte. Evidemment, comme il s’agit de planter des arbres, LA passion des politiques qu’on soupçonne de ne pas toujours maîtriser le sujet de la biodiversité, ça a fini dans le communiqué de presse. On vous renvoie à notre article sur la compensation d’émissions de GES pour savoir pourquoi ce type de mesures est problématique.

La question agricole au centre des ajustements

Le secteur agricole, en tension depuis plusieurs mois avec des manifestations un peu partout en Europe, souhaitait faire pression et obtenir un assouplissement des règles environnementales. La version votée mentionne explicitement la prise en compte du changement climatique, des besoins sociaux et économiques des zones rurales, et de la durabilité de la production agricole. Ce qui semble tendre vers l’agroécologie. Néanmoins, les négociations ont permis de diminuer la fréquence des mesures des indicateurs relatifs aux écosystèmes agricoles originellement prévue tous les trois ans, qui passe donc à tous les six ans.

L’enjeu sur la remise en eau des tourbières drainées

Les tourbières sont des écosystèmes particuliers. Elles sont considérées comme des zones humides et se forment par accumulation de matière organique non décomposée, principalement des débris végétaux, dans un environnement saturé en eau (et pauvre en oxygène). Elles font partie des écosystèmes stockant le plus de carbone au monde. Très fertiles, elles sont trop souvent converties en terrains cultivables par drainage, pour répondre aux besoins croissants en production agricole. La remise en eau des tourbières (processus consistant à transformer le sol drainé d'une tourbière en un sol humide) a pour objectif de rétablir leur rôle de puits de carbone ainsi que de restaurer la biodiversité très riche, typique de ces écosystèmes fragiles.

La dernière version du texte fixe des objectifs spécifiques de remise en eau des tourbières drainées plus bas que le texte original (70% initialement contre 50% voté d’ici à 2050). Il introduit également la possibilité pour les États membres de réduire l'ampleur de la remise en eau sous certaines conditions. Le texte voté souligne aussi que la remise en eau des terres agricoles reste volontaire pour les agriculteurs/agricultrices et les propriétaires privés, sans préjudice des obligations découlant du droit national. Une mesure évidemment décevante au regard du potentiel considérable d’absorptions de gaz à effet de serre que renferme ces tourbières.

Sources

Pörtner, H. O., Scholes, R. J., Agard, J., Archer, E., Arneth, A., Bai, X., ... & Ngo, H. (2021). Scientific outcome of the IPBES-IPCC co-sponsored workshop on biodiversity and climate change.

IPBES. (2016). Summary for policymakers of the assessment report of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services on pollinators, pollination and food production. Zenodo. https://doi.org/10.5281/zenodo.2616458

C Qiu, P. Ciais, D. Zhu, B. Guenet, S. Peng, A. M. R. Petrescu, R. Lauerwald, D. Makowski, A. V. Gallego-Sala, D. J. Charman, S. C. Brewer.Large historical carbon emissions from cultivated northern peatlands. Science Advances  04 Jun 2021:Vol. 7, no. 23, eabf1332 - DOI: 10.1126/sciadv.abf1332

Drainage des tourbières pour l’agriculture : estimation des émissions de carbone sur le dernier millénaire. Communiqué de presse 7 juin 2021- INRAE

Le texte adopté en février 2024

La proposition de loi de juin 2022

Autrices : Salomé Bourg & Dr. Manul

Préserver la biodiversité est un objectif essentiel pour l’avenir de nos sociétés. En effet le réchauffement climatique fait partie des enjeux cruciaux de notre décennie mais il n’est pas le seul. Il est accompagné par une perte massive de biodiversité qui aura aussi de graves conséquences.

Dans cet article nous vous proposons de découvrir pourquoi la biodiversité est importante pour notre survie (oui oui, pour nous les humains) et comment vous pouvez participer à sa protection !

Définitions de la biodiversité et d’un écosystème

Qu’est-ce que la biodiversité ? Qu’est-ce qu’un écosystème ?

Le terme biodiversité englobe la diversité des espèces vivantes qui peuplent un écosystème (animaux, végétaux, microorganismes). On dit d’un écosystème qu’il a une biodiversité riche lorsqu’il compte en son sein de nombreuses espèces de plantes, d’animaux et de microorganismes.

On définit un écosystème comme un système constitué d’un environnement abiotique (un « biotope ») et de sa biocénose ou biodiversité. L’environnement abiotique correspond aux conditions climatiques et composés minéraux caractérisant l’environnement. La biocénose ou biodiversité représente les espèces vivantes abritées dans cet environnement.

Définition de l'écosystème

Ainsi, il ne suffit pas qu’une espèce soit très représentée dans l’écosystème en termes de nombres d’individus (une grande population de cerfs dans un milieu forestier par exemple) pour que la biodiversité de ce dernier soit qualifiée de « riche ». Il faut pour cela que le milieu abrite de nombreuses espèces.

Si nous reprenons l’exemple de l’écosystème forestier, la présence d’une population de cerfs, d’une population de chevreuils et d’une population de sangliers, permettrait de qualifier la diversité en ongulés de ce milieu de riche.

Trois niveaux de biodiversité

Exemples de structures et de dynamiques d’écosystèmes

Nous allons étudier ensemble 2 exemples d’écosystèmes fonctionnels (c’est à dire à l’équilibre et non perturbés) qui différent seulement par leurs biodiversités respectives.

Un écosytème "pauvre"

Écosystème forestier simple

L’écosystème 1 est un écosystème forestier simple dans lequel on retrouve :

Tous les maillons de la chaine sont donc présents.

L’écosystème fonctionne : les plantes sont mangées par les herbivores, qui sont eux-mêmes mangés par les carnivores. Toutes ces maillons produisent des déchets qui sont consommés par les détritivores, qui les transforment en nutriments, qui sont eux-mêmes utilisés par les plantes. La boucle est bouclée !

Un écosystème "riche"

Écosystème forestier plus complexe

L’écosystème 2 est un écosystème forestier plus complexe dans lequel on retrouve :

Tout se déroule comme dans le premier cas, avec des interactions plus nombreuses en raison du plus grand nombre d’espèces !

Dans un monde stable où les conditions climatiques seraient très prévisibles et invariables, nos 2 écosystèmes pourraient prospérer. Or ce monde n’existe pas.

Imaginons l’apparition d’un pathogène (organisme provoquant une maladie) qui viendrait décimer la population de lapins dans nos deux écosystèmes. Dans le cas numéro 2 (écosystème « riche »), une autre population de consommateurs primaires sera en mesure de venir remplir la niche écologique (« position » occupée par une espèce dans un écosystème) rendue disponible par la disparition des lapins.

Cependant, dans le cas numéro 1 (écosystème « pauvre), aucune autre population de consommateurs primaires ne pourra remplacer la population manquante. Cette disparition aura pour conséquence de laisser les carnivores sans source nourriture et les mènera vers l’extinction. C’est ainsi tout l’écosystème 1 qui s’effondrera.

Il s’agit bien sûr d’un exemple théorique. De nombreux autres processus sont à prendre compte et la science de l’écologie n’est pas aussi simple que ça !

Pour résumer, vous pouvez garder en tête cette petite comparaison. Imaginez 2 tables : la première a 3 pieds, la seconde en a 7. Les deux tables tiennent debout. Mais enlevez un pied à chacune, le résultat sera bien différent !

Biodiversité en France et dans le monde

Vous commencez à comprendre pourquoi la biodiversité est importante, pour ne pas dire primordiale. À chaque disparition d’espèce, nous venons retirer un pied à notre table et nous nous rapprochons ainsi de la chute.

Vous commencez également à entrevoir le côté pernicieux de ce problème. En effet, beaucoup de disparitions peuvent avoir lieu avant que notre table ne s’effondre. Il est donc important de garder en mémoire que ce n’est pas parce que nous ne voyons pas les dégâts immédiats, qu’ils n’existent pas et ne sont pas déjà en train de fragiliser l’équilibre en place.

La biodiversité en France et la biodiversité mondiale sont globalement en train de diminuer : on parle d’érosion de la biodiversité. Cela correspond à l’extinction d’une espèce à l’échelle locale ou à l’échelle planétaire.

Le déclin de la biodiversité mondiale

Sur ce graphique nous voyons l’évolution de la biodiversité dans le monde au cours des dernières décennies. On remarque très clairement un déclin du nombre d’espèces à l’échelle planétaire, qui nous indique sans équivoque que la biodiversité est en danger.

À l’échelle de la France, de nombreux articles de presse titraient à la suite d’un rapport scientifique du CNRS (Centre Nationale de la Recherche Scientifique) et du MNHN (Museum National d’Histoire Naturelle) publié en 2018 : « Les oiseaux disparaissent des campagnes françaises à une vitesse vertigineuse ».

Ces études montraient très clairement une diminution à la fois du nombre d’individus rencontrés, ainsi que du nombre d’espèces : deux points cruciaux qui démontrent que la biodiversité en France est aussi mise à mal.

Impact des humains sur la biodiversité

Il a été démontré à maintes reprises que les activités anthropiques (relatif à l’activité humaine) étaient responsables de la perte de biodiversité [16,17] aux échelles locale et mondiale.

Mais alors, comment les humains influencent-ils la biodiversité ? Quel est l’impact de notre activité ?

La faute à notre mode de vie ! Notre alimentation, nos logements, nos modes de transport et de consommation sont autant d’activités qui impactent négativement la biodiversité.

La première cause est la perte d’habitat : en cultivant de grandes parcelles pour nous nourrir ou en polluant de grandes zones géographiques, nous condamnons des espaces qui étaient autrefois peuplés de nombreuses espèces. Sans endroit pour vivre, ces populations périclitent.

La seconde cause est la fragmentation d’habitat : tous nos moyens de locomotion et nos zones de logement représentent des barrières infranchissables et viennent donc créer une mosaïque d’habitats.

Or, beaucoup d’espèces ont besoin de se déplacer pour se nourrir ou se reproduire. Elles se retrouvent « enfermées » dans des territoires trop étroits pour prospérer correctement. Comme si vous étiez contraints de rester dans votre salle de bain, toute votre vie.

Principales causes du déclin de la biodiversité

Un exemple positif : le Costa-Rica

Heureusement, il existe des exemples d’impact positif des humains sur la biodiversité ! Cependant, ce sont toujours des cas de restauration. Cela sous-entend qu’il y a d’abord eu « destruction » de cette biodiversité par les humains.

La bonne nouvelle étant qu’il est tout à fait possible de restaurer un écosystème ou de sauver une espèce si les mesures nécessaires sont prises à temps.

On peut s’intéresser à l’exemple du Costa Rica. À la croisée de l’Amérique du Nord et de l’Amérique latine, ce minuscule pays (0,03% des terres émergées du globe) constitue un lieu de passage privilégié pour la faune et la flore circulant sur le continent. Le nom même du pays, signifiant « côte riche », atteste de sa précieuse biodiversité.

Dès le 16ème siècle, les scientifiques du monde entier ont souhaité explorer ce territoire regorgeant de vie. Cependant, à partir des années 1960, ce petit paradis va devenir le terrain d’une immense déforestation pour la production de bananes et d’huile de palme. Alors que le pays était recouvert à 75% de forêts en 1950, seulement 26% du territoire a échappé à la déforestation 35 ans plus tard.

Le gouvernement costaricain a alors pris la décision de sauver la biodiversité au détriment des profits potentiels liés à l’exploitation massive. Des politiques publiques ont incité les propriétaires à transformer leurs terres en réserves naturelles plutôt que de les vendre aux grandes compagnies (Lois sur la biodiversité 1988 et 1998).

À l’heure actuelle, près de 45% de son territoire est protégé et abrite près de 6% de la biodiversité mondiale. Ce type d’habitat est appelé un hot-spot de biodiversité (concentration exceptionnelle d’espèces différentes sur une zone géographique restreinte). [1,2,3]

Costa Rica - Après la déforestation

Pourquoi est-il important de préserver la biodiversité ?

On est en droit de se demander quel est l’intérêt de protéger la biodiversité. En effet, on pourrait partir du principe qu’il existe de très (très) nombreuses espèces. De ce fait, si on reprend l’exemple de la table, ayant à l’origine plusieurs milliers de pieds, enlever quelques espèces, quelques pieds à notre table donc, n’a pas l’air dramatique (je me fais l’avocat du diable ici… Évidemment que c’est un drame !).

Dans cette partie, nous allons voir ensemble pourquoi il est nécessaire de préserver la biodiversité.

Équilibre des écosystèmes

Comme nous vous l’avons présenté plus haut, les écosystèmes peuvent être décrits en rangeant les espèces dans des catégories (consommateurs secondaires, producteurs primaires, etc). Cette classification fonctionne assez bien lorsque les espèces sont dites généralistes. Le raton laveur, par exemple, est omnivore et capable de vivre en forêt, mais aussi en milieu urbain. C’est donc une espèce généraliste.

Certaines espèces, en revanche, sont qualifiées de spécialistes. Ces dernières occupent alors des niches écologiques très spécifiques. À titre d’exemple, nous pouvons citer le koala qui ne mange QUE des feuilles d’eucalyptus. Dans le cas des espèces spécialistes, il n’existe pas d’autres espèces ayant le même mode de vie dans leur environnement. Elles ne peuvent donc pas être « remplacées » par une autre espèce du jour au lendemain, ce qui entraine une perturbation de l’écosystème.

Toutes ces interactions entre espèces forment un maillage de relations complexes. Ainsi, lorsque l’une des espèces appartenant à un écosystème disparaît, ce n’est pas seulement cette espèce qui est en danger mais l’intégralité du système. Vous l’aurez compris, l’équilibre des écosystèmes est donc très fragile.

Exemple du Parc nationale du Yellowstone

Pour vous convaincre, je vais tenter de vous résumer un cas d’école qui s’est déroulé dans les années 1990 aux États-Unis, dans le Parc National du Yellowstone. Cette zone protégée abrite une grande diversité de paysages et d’espèces et est également un haut lieu du tourisme.

Dans les années 1920, les loups ont été chassés (légalement) jusqu’à extinction car ils consommaient les troupeaux domestiques élevés en périphérie du parc [4]. Cette décision humaine a provoqué un bouleversement total de l’écosystème du Yellowstone, allant jusqu’à modifier sa topographie (relief d’un lieu, terrain ou pays) !

Dans cet exemple, une seule espèce a été retirée du système : le consommateur secondaire. Les populations de wapitis et de bisons se sont alors retrouvées sans prédateur naturel. Elles se sont mises à augmenter en nombre jusqu’à atteindre des densités impressionnantes.

Ces grands herbivores, en effectifs considérables, ont dû se nourrir. Ils ont alors consommé abondamment la végétation et notamment les jeunes pousses de peupliers, modifiant ainsi la couverture forestière et aussi les cours d’eau. En effet, sans les racines formant un maillage solide au niveau des berges, et avec des traversées plus fréquentes d’individus toujours plus nombreux, les cours des rivières se sont également altérés.

Yellowstone national park

Les services écosystémiques

Si les précédents arguments en faveur de la préservation des écosystèmes ne vous ont pas convaincu, peut-être que cette partie pourra vous démontrer l’importance de la protection la biodiversité. L’argument est très simple : la survie des êtres humains en dépend.

On a tendance à croire que notre alimentation est uniquement le fruit du travail des agriculteurs et des producteurs (travail que nous ne remettons absolument pas en question !) et que les espèces sauvages n’interviennent pas dans le processus.

Néanmoins, les fruits, légumes et autres graines sont produits par des plantes à fleurs appelées Angiospermes. Pour former les fruits (que nous consommons), les fleurs ont besoin d’être fécondées.

Cette étape cruciale est réalisée par le grand groupe des pollinisateurs (les abeilles pour ne citer que leur membre le plus célèbre).

Ces organismes nous rendent ce que l’on nomme des services écosystémiques. Nous, les humains, tirons un bénéfice de ces organismes ou écosystèmes.

Valeur de la biodiversité

Au-delà de leur simple existence, ces espèces ont une réelle valeur marchande (aussi appelée valeur de la biodiversité). Valeur qui est facilement estimable ! Sans elles, il faudrait féconder les fleurs une à une à la main (ou avec des petits robots #blackmirrors), un véritable casse-tête.

On s’aperçoit donc que la protection de la biodiversité représente aussi un enjeu commercial non négligeable !

Le terme « service écosystémique » découle d’une vision anthropocentrée de la nature. Il est évident que ces organismes ne s’amusent pas à nous rendre des services. Simplement, nous utilisons leurs modes de vies pour nous développer et survivre.

Cette interaction nous rend dépendant de l’existence de ces organismes. Et oui, nous sommes aussi une case dans ce grand écosystème. Il est donc nécessaire de repenser les relations nature et société.

Autres exemples de services écosystémiques

Pour résumer : préserver la biodiversité et l’équilibre des écosystèmes, c’est sauver les pandas MAIS SURTOUT sauver les humains.

Exemple : « Notre propre sensibilité à la biodiversité »

Des études sociologiques ont montré que nous étions naturellement attirés par des environnements avec une biodiversité riche [15].

Testez votre sensibilité à la biodiversité

Faites le test chez vous avec ces deux illustrations. Demandez aux membres de votre entourage de vous indiquer l’écosystème dans lequel ils se sentiraient le mieux. Ils devraient (en grande majorité) vous répondre l’écosystème 2. La différence majeure entre ces deux images est le nombre d’espèces.

Testez votre sensibilité à la biodiversité

Mais alors pourquoi serions-nous plus sensibles à des écosystèmes possédant une biodiversité riche ?

Repensons cette question à la lumière de la théorie de l’évolution (pour une explication de la sélection naturelle, vous pouvez lire notre article sur ce sujet). Comme nous vous le répétons depuis le début de cet article, un environnement avec une biodiversité riche est un environnement plus stable.

Il y a encore quelques générations de cela, les humains étaient très dépendants de leur zone d’habitation. Vivre dans un environnement stable était très probablement la meilleure des stratégies pour survivre et se reproduire.

Ainsi, quelque part dans nos gènes, se cache une tendance à préférer ce type d’endroit, simplement car il nous garantissait une vie plus paisible.

Comment préserver la biodiversité ?

Après toute cette théorie, place à la pratique ! Vous découvrirez dans cette partie comment lutter pour protéger la biodiversité.  Les astuces pour préserver la biodiversité sont nombreuses.

Comment protéger la biodiversité au quotidien ? Cas particulier de votre jardin !

Une des causes majeures de la diminution de la biodiversité est la perte (ou la fragmentation) de l’habitat. Les espèces animales et végétales ont besoin d’espaces protégés (de nous) pour s’établir et prospérer. 

Pour lutter contre cette fragmentation, il faut créer ce qu’on appelle des corridors biologiques. Ces couloirs sont des espaces sécurisés qui relient des habitats différents en enjambant des barrières auparavant infranchissables pour les organismes vivants.

En fonction des espèces, ces barrières qui découpent leurs territoires peuvent être des routes, des clôtures, des zones industrielles, etc. Un exemple très connu de corridor biologique est l’écoduc ! Ce sont les passerelles boisées permettant au gros gibier de traverser les autoroutes sans danger.

Mais quel est le rapport avec votre jardin ? C’est très simple, votre jardin peut constituer une sorte de corridor biologique, si vous respectez quelques règles. Le but du jeu est de le transformer en un espace accueillant et sans danger pour la faune et la flore de votre région.

Transformez votre jardin

Voici une liste (non exhaustive) des petites actions que vous pouvez entreprendre chez vous pour préserver la biodiversité locale :

Ajouter des nichoirs sur vos arbres

Les oiseaux pourront plus facilement nicher dans des conditions sereines. À fixer en automne ou début d’hiver. Retrouvez tous les conseils relatifs à la bonne pose d’un nichoir ici [5].

Rendre les barrières perméables

Nous avons tendance à clôturer nos terrains pour éviter les intrusions. Mais cette habitude bloque aussi la faune locale. Installez un passage à microfaune (lapin, hérisson, écureuil) pour créer un corridor ! Toutes les informations, ici [6].

Créer une haie bocagère

Elles peuvent être de différentes natures et donc avoir différentes fonctions (nourricière, protectrice du vent). Elles permettent aussi de favoriser la biodiversité, plein d’infos sur ce sujet [7].

Ne pas tondre tout votre jardin

Vous pouvez choisir de protéger une partie de votre terrain et de ne la tondre qu’une fois par an. Cette zone sera un sanctuaire pour les insectes et vous permettra de profiter de plus de fleurs sauvages. Des détails, juste ici [8].

Mettre des points d’eau à disposition

Le manque d’eau peut être mortel pour de nombreuses espèces (en période de forte chaleur ou lorsque les températures sont négatives et que l’eau est gelée en surface). Veillez à placer de l’eau dans des endroits accessibles et lavez régulièrement le contenant pour éviter sa contamination (bactérie, champignons ou moustiques). Autre astuce, ajoutez une petite tige de sortie pour éviter les noyades d’insectes.

Construire une ruche kenyane

Cet abri spécialement conçu pour les abeilles n’a pas pour vocation de récolter du miel mais plutôt de créer un refuge adéquat à ces pollinisateurs. Si vous avez un potager, cela vous assure aussi une pollinisation à domicile ! Pour plus d’explications et un tuto construction, cliquez ici [9].

Mettre une clochette à son chat

Certaines espèces d’oiseaux peuvent se retrouver à court de nourriture en hiver (parce qu’elles ne migrent plus par exemple). Placez des mangeoires dans votre jardin pour les aider à subsister jusqu’à l‘été (mais attention à ne pas vous arrêter de nourrir un hiver si vous avez commencé) !

Arrêter les pesticides et herbicides

Pas la peine de transformer votre jardin en un petit havre de paix puis d’y déverser des produits toxiques. De nombreuses alternatives naturelles et non nocives existent pour protéger vos plantations des potentiels envahisseurs ! Pour en savoir plus sur la permaculture et l’agroécologie, on vous conseille cette chaine Youtube [10].

Toutes ces astuces n’ont pas le même impact sur toutes les espèces sauvages mais elles participent au même objectif : le remaillage écologique du territoire. Les animaux (et plantes) pourront alors s’établir dans votre jardin ou continuer leur route vers d’autres espaces protégés.

Comment protéger la faune et la flore en ville ? Le rôle des citadins

Vous habitez en ville et vous n’avez pas de jardin ? Mais vous avez très envie de participer à la protection de la biodiversité ?

Pas de panique, il y a pleeeeein de choses à faire. Les villes ont d’abord été délaissées par les insectes et autres organismes vivants. Mais c’était avant que la campagne devienne encore plus polluée que la ville en raison de l’usage abusif de pesticides et herbicides. Vous pouvez donc créer des corridors biologiques au sein du paysage citadin.

Voici une liste (non exhaustive) d’actions à mettre en place dans votre environnement urbain :

Actions indirectes pour protéger la biodiversité

Il existe encore d’autres façons d’agir lorsque nous n’avons pas le temps ou l’énergie de se lancer dans les projets mentionnés précédemment.

Par exemple :

Nous croyons fermement que la clé du changement réside dans la compréhension du monde qui nous entoure puis dans l’action pour le protéger !

Vous avez vu au travers de cet article que les écosystèmes étaient résilients et pouvaient être préservés si l’on s’y prend à temps. Vous avez découvert des tonnes d’astuces pour conserver la biodiversité à votre échelle. Avec l’exemple du Costa-Rica, vous avez compris l’importance des politiques publiques dans cette lutte.

Vous êtes maintenant des citoyens éclairés et avez le pouvoir de commencer à faire bouger les choses à votre échelle, en collaborant avec les entreprises et gouvernements qui ont déjà pris le parti de s’engager pour l’environnement.  Mais aussi en vous engageant pour que ce changement atteigne une échelle globale.  Sans un travail main dans la main de tous les acteurs formant la société, nous n’y arriverons pas à temps !

Alors n’hésitez plus, agissez et engagez-vous !

Temps de travail cumulé : 50h
Autrice : Salomé Bourg
Illustrations : Salomé Bourg et Vincent Lhuillier

Sources

[1] Nathalie Raymond, « Costa Rica : du petit pays « démocratique, sain et pacifique », au leader de l’écotourisme et de la protection de l’environnement », Études caribéennes, 6 | Avril 2007 ; DOI : https://doi.org/10.4000/etudescaribeennes.432

[2]  Parcs nationaux et développement rural au Costa Rica : mythes et réalités Pascal-Olivier Girot Revue Tiers Monde  Année 1993

[3]   « Costa Rica National Parks - MINAE and SINAC » [archive], sur www.costarica-nationalparks.com

[4] Michel Meuret, Pierre-Louis Osty. Les loups des rocheuses du nord : Chronique d’une icône sous contrôles. Pastum, Saint-Martin-d’Hères: AFP, 2015, pp.31-39. hal-02633887

[5] https://www.oiseauxdesjardins.fr/

[6] https://www.agence-rhizome.fr/recherche-et-developpement/passage-a-micro-faune-2/

[7] https://www.faire-en-permaculture.com/agir/planter-une-haie-nourriciere/

[8] https://flores-amo.fr/fauche-tardive-avantages/

[9] https://www.youtube.com/watch?v=_BMhaNLzI6s

[10] https://www.youtube.com/channel/UCsM4_jihNFYe4CtSkXvDR-Q

[11] https://www.youtube.com/watch?v=gcR7k3a_0H4

[12] https://popexchambery.wixsite.com/popex

[13] Rapport Planète Vivante 2018 – WWF

[14] https://www.ucsusa.org/sites/default/files/2019-10/UCS-2014-DeforestationSuccessStories-Francais-final.pdf

[15] Bratman, G. N., Hamilton, J. P., & Daily, G. C. (2012). The impacts of nature experience on human cognitive function and mental health. Annals of the New York Academy of Sciences1249(1), 118-136.

[16] https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02397151/document

[17] https://www.ipcc.ch/working-group/wg2/

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